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TOSCANE,
ENTRE TRADITION ET NOUVELLES TENDANCES

Après une semaine en Toscane, berceau de la langue italienne et de la grande cuisine entre terre et mer, la digestion prend un peu de temps. Je ne parle pas de la digestion des magnifiques produits, mais plutôt de la digestion de l’information réunie lors de nombreuses et touchantes rencontres.   

Malgré la « pression » constante subie par certains domaines, dépassés par les demandes de visites et de dégustations, nous avons été magnifiquement reçus. Il y avait dans l’air comme une sorte de plaisir retrouvé à accueillir et à partager le vécu du domaine, après plus d’une année à périmètre réduit.  

Les échanges nous ont permis d’entrevoir l’évolution des tendances actuelles dans les régions les plus en lumière. 

Bolgheri

Bolgheri est désormais affirmé mondialement, et des vins icônes comme Tenuta dell’Ornellaia ou Sassicaia, deviennent de plus en plus spéculatifs. Une courbe exacerbée depuis la crise Covid 19. 

La vaste majorité de petits et moins petits domaines qui ne bénéficient pas du facteur altitude (contrairement à Sassicaia, Grattamacco, etc.) produisent de très bons vins même dans les terres sablonneuses près de la mer, mais sont concentrés sur la recherche de la fraîcheur, un challenge face au réchauffement climatique. 

Pour cela, certains s’orientent vers une stratégie d’augmentation des rendements qui pourrait conduire à une concentration inférieure des sucres, sans engendrer de la dilution (selon Axel Heinz, oenologue de Ornellaia), d’autres privilégient la finesse et la verticalité du Cabernet Franc, qui est en augmentation dans le vignoble et donc dans les assemblages.

 

Brunello di Montalcino 

La zone de Brunello a le vent en poupe et devient de plus en plus attractive pour du capital étranger à la recherche d’un investissement en propriétés viticoles. Le prix du foncier augmente, atteignant les env. 400’000 euros / ha, encore correct comparé aux 1,5M ou 2M d’un hectare dans la DOCG Barolo. Mais la pente ascendante est entamée et le périmètre de la région de production fixé à la moitié du précédent (c.a. 1200ha sur Brunello vs 2100ha de Barolo)

Quelques exemples des dernières acquisitions : Podere le Ripi par Colangelo, USA en 2021, Poggio Antico par Marcel van Poecke, Belgique en 2017, l’icône Biondi Santi par le groupe Piper Heydsieck en 2016, Cerbaiona par Gary Rieschel en 2015, etc.

 

Mais qu’en est-il de la plus étendue DOCG Toscane, le Chianti ? 

 

Chianti & Chianti Classico 

Il faut distinguer le cœur historique, le Chianti Classico DOCG, dont les frontières sont délimitées depuis plus de trois siècles (1716), de l’appellation plus large Chianti DOCG (née en période fasciste – 1932), à la morphologie et à la climatologie totalement différente.

Dans ce dernier, les collines moins élevées et au profil plus doux, mènent à une concentration en sucre plus rapide dans les baies, mais souvent au détriment de l’acidité et de la maturité phénolique. 

Pour les curieux, quelques informations schématiques sur la page italianwinecentral.

Cet article rédigé en 2014 par le journaliste éclairé Pierre Thomas, donne une vision d’ensemble très précise de la région et de ses luttes internes, qui se poursuivent jusqu’à nos jours. Il décrit pros et contres de la nouvelle catégorie Gran Selezione ainsi que la motion, jamais approuvée par le comité, d’adopter un modèle philo-bourguignon qui met en avant les climats composant la région Chianti Classico.

 

Gran Selezione et UGA

Cependant, il y a à peine deux mois, quelque chose a changé. La discussion sur le zonage vient finalement d’être approuvée, bien que seulement pour la catégorie Gran Selezione. Cela a permis de délimiter 11 unités géographiques complémentaires (UGA), mentionnées en bas de page, qui ont l’objectif de définir des terroirs à plus grande homogénéité à l’intérieur de la macro appellation. 

NB: Nous avons parlé d’unités géographiques et non pas de sous-régions, puisque ce terme, selon l’Union Européenne, comporte un cahier de charge plus stricte (rendements, assemblages, etc.) qui ne collait pas avec les intérêts du Consorzio des producteurs.

On pourrait se poser la question du pourquoi seulement la Gran Selezione, au sommet de la pyramide, puisse revendiquer d’être un vin de lieu (UGA), tandis que les catégories sous-jacentes de Chianti Classico et Riserva n’y aient pas droit, mais espérons qu’il s’agisse simplement d’une étape intermédiaire. 

NB: La loi du 85% s’applique, i.e. 15% du raisin peut provenir d’ailleurs à l’intérieur de la DOCG Classico.

 

L’encépagement

Malgré ces passages législatifs, qui nous laissent parfois dans le trouble en tant que consommateurs, il a des nombreux signes encourageants. Après discussion avec le Président du Consorzio, le Docteur Giovanni Manetti (Fontodi), il nous confirme que depuis 10 ans, dans l’appellation, il n’y a plus de plantations de cépages alloctones (Merlot, Cabernet-s et Syrah) mais plutôt une redécouverte du patrimoine ampélographique régional, avec des anciens cépages qui redeviennent les partenaires privilégiés du Sangiovese, tels le Mammolo, Colorino, Canaiolo, Pugnitello, Foglia Tonda, etc. (Une quinzaine selon les recherches de Mr Gregory Del Piaz). 

Ces cépages complémentaires natifs toscans (max 10% de l’assemblage vs le 20% d’auparavant) supporteraient le Sangiovese en arrondissant son caractère parfois anguleux, et en apportant de la fraîcheur supplémentaire. Face au changement climatique en faite, les clones de Sangiovese introduits 20 ans en arrière dans le but d’augmenter la qualité et la concentration des vins se présentent aujourd’hui presque trop précoces, engendrant des déséquilibres alcooliques.

Ces clones sont issus des recherches menées entre les années 80s et 2000s (projet Chianti Classico 2000) et caractérisés par des grappes plus aérées et des baies plus petites afin d’augmenter la résistance aux maladies fongiques. La recherche actuelle vise des variétés à la maturation plus tardive et tout aussi résistantes.

 

Les perspectives en quelques chiffres

Les nouvelles générations se montrent très engagées dans le respect de la tradition, tout en s’appuyant sur les connaissances actuelles, soient-elles ampélographique, œnologique, de marketing, etc. et les résultats sont appréciables. 

Le marché du Chianti reste stable avec une sensible décroissance de – 8% en 2020 pendant la période de congestion Covid 19, et une reprise de +10% par rapport à l’avant-crise déjà en 2021.  

La région, malgré ses 7000 ha de surface et sa grande diversité socio-économique, se montre unie sur les piliers comme la nécessité d’une viticulture durable, avec un chiffre record de 52% de la surface régionale certifiée biologique. (Record Italian et en grande progression, 40% en 2019).

 

Avec ces quelques lignes je vous invite à redécouvrir cette région en grand changement et à profiter de ses vins, parfois un peu nerveux bus seuls, mais magnifiques à table autour d’un repas.

Les anciens disaient « Il Chianti é pane ».

Que le vin puisse rester nourriture pour nos corps et nos esprits !

À votre santé!

 

Michele

 

UGA Chianti Gran Selezione: 

  • San Casciano Val di Pesa
  • Greve 
    • Lamole 
    • Montefioralle 
    • Panzano
  • Radda 
  • Castellina 
  • Gaiole 
  • Castelnuovo Berardenga
  • Vagliagli
  • San Donato in Poggio

 

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