2021 – Château Chalon, Jura
CHÂTEAU CHALON,
CET ARISTOCRATE VENU DU JURA
Le vin jaune de Château Chalon est considéré comme l’un des 5 plus grands vins du monde par le célèbre gastronome Curnonsky. Lors d’une visite en Allemagne, le prince autrichien de Metternich fit goûté un Château Chalon à l’Empereur Napoléon III qui déclara avoir bu « le meilleur vin du monde » mais ignorait qu’il provenait d’un petit canton de son empire. Désormais c’est une AOC du département du Jura en République française.
Cet ancien vignoble est indissociable de l’histoire des Abbesses établies sur l’éperon rocheux de Château Chalon depuis le 9ème siècle. Au cours de l’histoire, elles reçurent de nombreuses donations des grandes familles locales dont elles accueillaient les filles. Les abbesses, nommées Princesses du Saint-Empire par le comte de Bourgogne, avaient le droit de seigneurie (justice, cens, corvées, mainmorte sur plusieurs milliers d’hectares qui englobent les villages voisins comme Menétru-le-Vignoble, Nevy-sur-Seille, Blois-sur-Seille, Voiteur, Ladoye-sur-Seille, et disposaient en plus d’importantes possessions dans le sud Revermont.
A l’époque ce milieu est propice à l’innovation, elles élaborent la technique de l’élevage sous voile qui donnera naissance au célèbre vin jaune de Château Chalon. Un vin de garde et hors du temps, qu’il ne faut cependant pas hésiter à goûter dans sa jeunesse pour mieux comprendre l’impact du voile de levures sur son profil aromatique si particulier, qui enchante ou rebute le dégustateur lorsqu’il ne possède pas les codes du monde si particulier des vins oxydatifs.
Comme le Sherry et le Madère, le vin jaune du Jura est un vin oxydatif qu’il ne faut pas confondre avec un vin qui aurait mal vieilli et qu’il faudrait alors qualifié d’«oxydé».
Élaboré à partir du cépage indigène Savagnin, le vin jaune est élevé en barriques qui ne sont ni ouillées, ni récappées afin de compenser les pertes par évaporation. Au lieu de cela, pendant les 6 ans (et 3 mois) ou plus que dure l’élevage, l’air est autorisé à l’intérieur du contenant et un film de levure appelé voile se développe en surface. Ce dernier offre une protection partielle contre une oxydation supplémentaire et contribue au caractère salin, aux arômes de noisette (éthanale) et de curry (sotolone), sans oublier l’apport à la couleur jaune si particulière que l’on découvre en débouchant le flacon.
La région et les surfaces
L’aire de production du vin jaune d’appellation Château-Chalon s’étend sur 50 hectares alors que l’AOC recense 90 hectares à une altitude moyenne de 325 mètres.
Depuis la fin du 19ème siècle le vignoble jurassien s’est fortement réduit sous la pression combinée du phylloxéra, de la première guerre mondiale et du développement du chemin de fer qui a permis l’avènement de sources alternatives de vin pour les citadins du nord de la France.
A la fin des années 1960, il restait dans le Jura moins de 1000 hectares de vignes. Le lait pour la production de Comté et d’autres fruits étaient et sont encore des produits agricoles bien plus rentables que le raisin.
L’appellation
La prestigieuse appellation CC (Château Chalon) est constituée de 4 communes qui se partagent le vignoble : Domblans, Menétru-le-Vignoble, Nevy-sur-Seille et Château-Chalon.
Le village de Château-Chalon, un bourg d’une beauté hors du commun, sur lequel se situe plus de la moitié des vignes de l’appellation, est situé sur un éperon rocheux qui bénéficie de conditions géologiques exceptionnelles.
Les vignes sont plantées sur des coteaux dont les pentes peuvent atteindre 45 %.
Ces fortes pentes sont idéales, car elles retiennent la chaleur et protègent les vignes des vents froids provenant du Nord et de l’Est. La nuit, les falaises permettent une restitution de la chaleur emmagasinée durant la journée, ce qui participe également à la production de raisin sains et de qualité, dont la robe vire vers un bel or ambré à maturation complète.
Le sol composé de marnes gris-bleutées et de traces d’éboulements provenant des falaises en surplomb, est très riche. Il facilite la maturation du raisin et revêt une importance cruciale dans le processus qui permet de produire un vin jaune unique comme le Château-Chalon.
Vin de l’extrême
La mention Château Chalon sur le clavelin, la bouteille de 62 centilitres à la forme spécifique héritée du 18ème siècle et réservée au vin jaune, n’est pas due au hasard.
Sous l’égide du Syndicat des Producteurs de Château Chalon créé en 1933, des règles très strictes ont été élaborées pour la production du dit cru. Une commission, constituée depuis 1952, visite chaque année les parcelles avant la vendange pour y constater la présence exclusive de Savagnin et procéder à divers prélèvements de moûts. Elle définit ainsi le ban des Vendanges lorsque toutes les conditions sont réunies et octroie le bénéfice de l’appellation si le degré minimum requis (12°) est atteint.
C’est pour cette raison que le déclassement complet d’une récolte peut être décidé avant même la vendange, ce qui s’est produit en 2001 notamment (voire aussi les récoltes 1974, 1980, 1984).
Dans ce cas et si la prise de voile permet tout de mêmel’élaboration d’un vin jaune, celui-ci pourra être commercialisé sous l’appellation Côtes du Jura, mais vendu au tiers du prix. Ce « repli » ne sera peut-être plus possible très prochainement et tout le monde procédera alors comme le fait déjà le Domaine Macle, à savoir ne pas produire de vin jaune les années « indignes » de la mention Château Chalon.
Les coûts de production très élevés ainsi que les risques d’échecs inhérents à un long élevage sous voile expliquent sans doute pourquoi la totalité des surfaces de l’AOC ne sont pas dédiées à la production de ce vin jaune immortel.
Certains experts le qualifie de « vin de l’extrême ». Extrême il l’est indiscutablement par son mode d’élaboration, son non-sens économique et tous les mystères biochimiques qui l’entourent. Mais il est surtout extrême par le plaisir qu’il procure à ses adeptes.
Michele Caimotto
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