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LIGURIE:
MORPHOLOGIE DU TERRITOIR…ET DE LA PENSEE

Cet hiver, je suis retourné à Gênes, j’apprécie cette ville à l’âme commerçante qui porte les traces d’un passé resplendissant. A l’époque des croisades et des républiques maritimes, c’était l’un des quatre plus puissants centres économiques et culturels vers lequel toute sorte de biens et savoirs convergeaient, et dont l’influence allait bien au-delà du bassin méditerranéen.

C’est autour de cette ville que le paysage ligure se développe. À l’ouest la Riviera di Ponente (là où le soleil se couche) qui se prolonge jusqu’à la frontière française ; à l’est le Levante et, au-delà, les Cinque Terre, avec ses villages aux couleurs pastel, grimpent sur les falaises alpines, jusqu’à rejoindre la Toscane après La Spezia.

Un paradoxe ?
Mise à part Gênes et les zones portuaires, une grosse partie de la région reste isolée et à la mentalité montagnarde, malgré la proximité de la mer. La tradition alimentaire, encore vive aujourd’hui, est axée sur les animaux de la cour et sur les herbes spontanées (la fameuse bourrache), plus que la pêche, prévue de ce passe d’éleveur-cueilleur.
Mais dans tout ça y a-il aussi du vin ?

Quelques notes historiques

Les anciens peuples de Ligurie (Liguri), à l’époque préromaine, n’étaient pas vraiment très avancés dans la production viticole; selon les mots de Strabon, ils « survivent principalement grâce à la viande de mouton, au lait et à une boisson similaire à l’orge, car leur vin est rare, résiné et aigre ».

C’est sous l’influence de la colonie de Marseille et par la diffusion de certaines techniques que la viticulture pu se développer. De la taille de la vigne à l’utilisation de supports morts ou piquets, par opposition aux vignes « alberate ». D’inspiration marseillaise aussi des modèles de houe/pioche rudimentaire pour travailler la terre.

Encore fallait-il avoir de terres accessibles!
Ce ne fut qu’avec les développements amenés par les moines et la main d’œuvre des paysans dont le travail était offert en échange d’une protection contre les Sarrasins et autres envahisseurs, que les systèmes de terrassement ont pu être installés. Un effort surhumain, étendu sur presque 800 ans depuis le siècle XII, dans la construction et entretien de murets en pierre sèche afin de rendre ces coteaux cultivables.

La viticulture aujourd’hui

La Ligurie viticole est, comme toutes les régions d’Italie, une grosse « matasse » qui nécessite beaucoup de patience pour en défaire les nœuds.

Avec ses 2500 ha de vignoble (sur les 705’000 du pays, i.e. 0.35%) on comprend qu’il soit presque « naturel » de ne pas la connaître d’un point de vue viticole.

Depuis quelques années la reprise du marché des blancs de macération, très populaire et « traditionnelle » en Ligurie, a amené les curieux à la redécouverte de ses vins, tant et si bien, qu’après quelques mois de la mise en bouteille les bons vignerons n’ont déjà plus rien à vendre. Celui-ci étant, le Nord de l’Europe, le Japon, les États Unis, et bien évidemment, la consommation locale liée au tourisme qui en absorbe la presque totalité.

Dans ce cadre de fonctionnement, pour les vignerons il n’y a pas de réel intérêt à faire de la promotion, à se fédérer sous une appellation, etc.

Un scenario bigarré, pointillé avec quelques producteurs d’exception à l’identité forte qui produisent des chefs d’œuvres et une grosse partie du reste qui passe paisiblement sous les radars.

Voici une petite présentation de cette réalité viticole, minuscule en chiffres, mais qui recèle autant de richesse!

Le lieu

https://i0.wp.com/www.dipendechevino.com/wp-content/uploads/2018/06/Carta_Liguria_Vini-01.jpg?resize=768%2C526&ssl=1

L’un des éléments les plus évidents de cette zone est l’extrême proximité entre la mer Tyrrhénienne et le bassin versant alpin (qui atteint jusqu’à 2200 m. Monte Saccarello), dont la distance à vol d’oiseau ne dépasse pas 28 km. En conséquence, dès que vous quittez la côte, le paysage intérieur est très vite rude, avec des montagnes hautes et dominantes: leur configuration arquée affecte cependant positivement le climat de la région en empêchant l’entrée de courants d’air froid en provenance du nord. Le long de la bande côtière, les pentes deviennent plus douces mais la morphologie globale du territoire peut être résumée en 41% comme vallonné et les 59% restants comme montagneux.

Une fois sur le terrain, on comprend immédiatement le défi des voies de communications, l’isolement des vallées, le difficile accès aux vignobles et quelques part un climat méditerranéen avec les bénéfices et les inconvénients de l’altitude et de la pente.

s tout comme l’accès aux vignobles.

Le patrimoine ampélographie et les échanges commerciaux

Selon des notes de Carrassale, professeur de Géographie, les investigations ampélographiques menées dans les vignobles de l’extrême ouest de la Riviera ligure ont révélé une réalité plutôt composite, où, aux côtés des espèces dominantes, émerge une énorme biodiversité presque oubliée ou commercialement inutilisée.

Il a été possible de classer l’ensemble du patrimoine local en distinguant les variétés autochtones, traditionnelles ou importées (entre début XIXe siècle à nos jours).

 

Les autochtones (*):

(B) Carabacella, Massarda, Rossese (Rocesio) et Verde Pola

(R) Barbarossa, Croetto, Lamberta, Rossese et Salerno

 

Les traditionnelles (*):

(B) Albarola, Bosco, Claretta di Nizza, Madera, Malaga, Malvasia, Moscatello di Taggia, Moscatellone, Moscato, Pigato, Rollo, Vermentino

(R) Barbera, Brachetto, Cinsault, Granaccia (alicante), Negrona, Nebbiolo, Ormeasco (Dolcetto), Quagliano et Rossetto (Grignolino)

 

Dans les deux derniers siècles:

(B) Cortese, Roussanne, Saint Jeannet, Trebbiano Toscano, Viogner

(R) Aleatico, Alicante Bouschet, Aramon, Bonarda, Cabernet Sauvignon, Carignan, Ciliegiolo, Freisa, Isabella (fragolino), Merlot, Moscato d’Amburgo, Sangiovese, Syrah et Vermentino Nero

 

On s’aperçoit que les zones de Gênes et du Ponente montrent une diversité plus marquée que les zones montagneuses de l’est. L’exemple des Cinque Terre en est la preuve avec principalement les cépages Bosco, Albarola et maintenant le retour du Rossese Bianco, délaissé dans au XXème siècle à cause de ses faibles rendements.

La raison de cette disparité est à rechercher encore une fois dans l’histoire et dans la morphologie du territoire.
Assis à table avec les habitants du lieu on s’aperçoit qu’encore aujourd’hui, à l’ère de la 5G, l’isolement territorial va de pair avec l’isolement culturel !

 

Une opportunité de découvrir plus

Avec ces lignes, j’espère avoir éveillé votre soif de voyage et d’exploration de nouveaux horizons !

Cet été, avec à une collègue et amie sommelière originaire de Gênes, nous essayerons de vous proposer un portrait fidèle de ce endroit magique et méconnu.
Un voyage atemporel de la mer Tyrrhénienne aux Alpes suisses à travers une imaginaire « route du sel » !

 

Michele Caimotto

 

Notes:

(*) Les noms des cépages cités font référence au sources historiques et donc aux noms utilisés localement.
Il se peut que certaines variétés soyent aujourd’hui connues autrement.

Liens:

Les Dégustations Wine Rose – Portfolio – dégustations été 2020

Un descriptif des appellations et leur cahier de charge: Liguria AssoVini
Malgré les datas différentes sur les surfaces plantées, une très bonne base pour la législation des DOC.

 

Mots clés: Vermentino, Pigato, Dolcetto, Rossese, Ligurie / Liguria, Voyage, Cave,
Vinification, Dégustation, Wine Rose, Michele Caimotto, Lavaux, Suisse