2018 – Portugal du Nord
PORTUGAL: BEIRAS, DAO ET DOURO SUPERIOR
Anciennement, la vigne avait une durée de vie moyenne de 40 ans ; l’olivier quant à lui commençait à produire à partir de 40ans d’âge. Dans cette terre hostile, entre blocs de granite et le souffle du vent chaud, celle-ci était la manière de différencier les productions et d’assurer la subsistance de la famille.
La toile sur laquelle se compose notre peinture est la bande de terre entre Dao et le parc du Montesinho, dans la moitié nord est du pays. Le coup de pinceau en ouverture n’est qu’une instantanée pour comprendre ce milieu collinaire où très souvent même les arbustes ne trouvent pas les conditions pour survivre, seulement les plantes pionnières y trouvent leur compte.
Les brebis paissent de surfaces en surfaces grâce à la savante gestion des derniers bergers qui font de leur lait une source d’économie primaire. Quelques centres laitiers coopératifs transforment ce lait riche et dense en aromes pour donner naissance à des fromages extrêmement gouteux et au cœur moelleux qui font la joie d’un repas champêtre, s’harmonisant parfaitement à des soupes de céréales et les plats de la tradition paysanne.
Dans ce cadre, la viticulture portugaise puise ses racines millénaires.
L’arrivée de la vigne sur la péninsule est à attribuer à l’Empire Romain et le développement de la viticulture aux moines Cisterciens au début du Moyen Age, comme dans la majorité des pays catholiques. Quelques siècle plus tard, le Portugal fut le premier pays à souffrir des «maladies d’outremer» telles mildiou, oïdium ou l’invasion du phylloxera aux alentours de 1860. Malgré toutes ces menaces se soient concentrées dans un arc de temps très bref, le patrimoine de biodiversité a été en très bonne partie préservé, avec un panorama de presque 350 cépages autochtones encore existants aujourd’hui. Ce grand nombre de cépages place le Portugal, au même titre que la Georgie et l’Italie, dans les pays les plus riches sur le plan viticole.
Outre la polyculture, une autre manière de garantir une récolte était la complantation de plusieurs cépages blancs, rouges, de différente nature (aujourd’hui on l’appellerait différencier l’investissement ? : ). Cela représentait principalement une économie de subsistance à travers l’exploitation des terres qui appartenaient au seigneur local, bien que toujours sous forme de petites surface terrières (en opposition à l’agriculture extensive du sud du pays).
Après une époque coopérative diffusée dès les années 1950, la renaissance viticole du Portugal (à quelques exceptions près) commence dans les années 2000s avec une nouvelle génération d’exploitant et entrepreneurs ayant fait des études. Ils décident de prendre le risque entrepreneurial de devenir ce qu’on appellerait vignerons encaveurs ou de lancer leur propre marque à travers une activité de négoce (achat de raisin).
Malgré le manque quasi-totale d’études géologiques liés au monde agricole (seules les quelques cartes élaborées par l’armée portugaise peuvent fournir des informations en la matière) nous pouvons tracer un profil argilo calcaire avec présence sablonneuse pour Bairrada et Beiras, des schistes de différente nature dans la région du Douro (Cima Corgo et Douro Superior) des granites sur toute la partie Dao et Tras-os-Montes.
La région côtière se révèle fraiche et la variation thermique jour-nuit est garantie par la proximité de l’océan. En montant vers l’est, le facteur déterminant reste l’altitude, la vigne se situe en effet entre 400 et presque 800m vers Tras-os-Montes.
Cela permet d’obtenir en moyenne la maturité phénolique de manière équilibrée avant que le degré en sucre soit particulièrement élevé.
Pour revenir sur les cépages rois, les plus connus seront sûrement associés à la culture du Douro et Dão considérés parmi les plus anciennes régions de production du pays, (Touriga Nacional, Touriga Franca, Tinta Roriz, Tinta Cao, … et en blanc Malvasia Fina, Codega, Rebigato, etc.), mais comme vous pouvez bien l’imaginer, il y a bien plus à découvrir !
La variété Encruzado, Bical et Maria Gomez peuvent en assemblage donner des expressions iodées et structurées (seulement le premier a la capacité de trouver un vrai équilibre propre).
En rouge Baga, Castelao, Alfrocheiro, Mureto, Jaen (Mencia), etc. sont à la maison depuis toujours.
Le Baga en monovariétal donne des vins densément structurés, complexes et aromatiques, avec une acidité assez marquée, des tannins fermes et un excellent potentiel de garde. Ces vins, de par leur vieillissement, acquièrent un caractère unique incluant un bouquet raffiné de miel, de fumée et d’épices.
Les autres cépages mentionnés ont des caractéristiques uniques et très souvent des longues saisons de maturation. En assemblage, ils peuvent cependant tendre à la complexité aromatique et structurelle des vins tout en baissant leur teneur en alcool.
La production reste ici concentrée sur des grands rouges, bien que certains très agréables mousseux soit produits sur les appellations Tavora et Varosa et Bairrada.
Le scenario productif actuel du Portugal montre un filon assez consistant vis-à-vis de la tradition : encore beaucoup de contribution ou négoce de raisin se fait dans tout le pays. Le système coopératif constitue près de la moitié des volumes du marché et le reste se compose des activités commerciales privées. Cette disponibilité de raisins venant parfois de terroirs de grande qualité va à l’encontre de la tendance émergeante dans toute la péninsule ibérique des flying wine makers, qui démarrent des projets privés. Il en résulte des vins à tirage limité, des cuvées exclusives, vins de parcelle, projets qui suivent la mode et qui dans un même temps sont économiquement légers à mettre en place. Certains ne sont que des purs exercices de style, certains autres sont des vraies transcriptions d’une nouvelle vision.
Voici un petit résumé de cette magnifique expérience dans ce panorama viticole si bigarré, qui ne cesse d’enchanter. Le potentiel encore non exploité est énorme. J’espère vivement être parmi ceux qui aideront à le faire épanouir en accompagnant les curieux et les aventureux à sa découverte!
Michele Caimotto
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