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Le Vin Santo dans la tradition toscane


Ma découverte du vin Santo…

Séduit par la beauté de la Toscane, je voyage annuellement dans la région et m’adonne, comme la majorité des gens qui s’y rendent, à manger et boire !

Les saveurs de cette terre bénite te font simplement sentir bien dans ta peau…

A la fin du repas ou en visitant une connaissance, il est encore fréquent d’être accueilli avec un verre de vin santo et quelques cantuccio, les biscuits secs de la tradition, où le croquant de l’amande rencontre la fraîcheur de l’anis.

Dans cette dimension totalement humaine et paysanne, survit encore aujourd’hui la tradition du vin santo comme vin d’accueil et d’hospitalité. Un reconstituant pour le voyageur.

La tradition du vin Santo en tant que “passito” est un héritage de la culture grecque, aux racines donc millénaires. Parmi les multiples versions qui semblent donner origine à son nom, il est indéniable qu’un produit aussi noble, relève du sacré et ait accompagné le rituel religieux de la sainte messe pendant des siècles.


Pourquoi est-il si noble ?

Comme dans presque toute l’Italie, la tradition de l’appassimento (flétrissement) du raisin, relève d’un rôle historique fondamental : enlever l’eau du produits pour favoriser la conservation des denrées alimentaires, leur stockage, leur transport, en utilisant le sucre comme conservateur naturel.

Le vin santo rentre dans cette catégorie de produits, notamment en utilisant la technique de fabrication du “vin de paille”.

Les meilleurs raisins, sains et mûrs, sont « choisi » dans la vigne pour leurs caractéristiques (grappe lâche et aérée afin d’éviter les foyers de pourriture), acheminés à la cave et distribués en cagettes ou pendus au plafond en milieu constamment aéré et abrité des aléas climatiques, animaux, etc. Cet endroit est appelé fruttaio, vinsantaia, ou autre en fonction de la région.

Le processus demande soins et observation constante afin d’éloigner la pourriture qui peut s’installer…

Attention, il peut aussi y avoir du développent de botrytis durant les 3-4 mois de repos.

Seulement à ce moment, traditionnellement près de la période pascale quand les sucres peuvent atteindre le 45%+ de la masse du raisin, le vin Santo est pressé !


L’éloge du temps
et de la diversité

Rome ne s’est pas faite en un jour et le grand vin santo, non plus…

Une fois le jus pressé, la phase de sédimentation est assez longue à cause de la viscosité du mout.

Obtenir des moûts clairs est d’autant plus compliqué si le botrytis est part de l’équation.

La phase suivante est l’entonnage en fût (cerisier, châtaignier, chêne), de petite taille (50 à 300l) déjà assagi et ensemencé par des précédentes utilisations.

Jusqu’à ce moment tout est assez « linéaire », car les grandes variables ne touchent qu’à la diversité de cépages utilisés (Trebbiano e Malvasia del Chianti (M. bianca lunga) comme base, plus 80+ cépages complémentaires) et au degré de concentration recherché, qui peut aboutir à des vins finis plus ou moins riches en sucre.

C’est à partir de l’entonnage que la complexification augmente de manière exponentielle, selon les bifurcations suivantes…et leurs combinaisons :

ensemencement de levures sélectionnées ou non

ensemencement avec de la « madre » ou non (madre = résidus solides de nature levurienne / bactérienne provenant d’un autre fût de vin Santo pour faciliter la/les fermentation(s)

envergure de la vidange lors de l’entonnage (espace laissé vide dans le fût —> exposition à l’oxygène)

choix du bois (neuf ou usagé + variété)

durée de l’élevage (min 18 mois, mais souvent beaucoup plus long)

soutirage ou pas (souvent associé à des moûts ensemencés avec levures sélectionnées, mais sans la madre)

Toutes ces variables et leur composition, peuvent aboutir à un spectre extrêmement large de résultats. Auxquels on ajoute l’impact de la cave de vieillissement.


La cave de vieillissement, ou « vinsantaia »

Comme pour tous les vins de ce genre, Jerez, Malaga, Madeira, Vin Jaune, Tokaji…les vins qui me passionnent en somme 🙂 le rôle de la cave est crucial dans le developpement du vin.

La vinsantaia est traditionnellement localisée au dernier étage de la cave, sous le toit, afin d’obtenir une facile aération du milieu par ouverture / fermeture des fenêtres, importante lors du séchage des raisins, mais aussi pour l’équilibre humide de la cave en phase d’élevage, et des amplitudes thermiques importantes.

Les amplitudes thermiques favorisent la stabilisation du vin et sa concentration, en sachant qu’en milieu humide une partielle desalcoolisation peut se produire. En cave très sèche il y aura plutôt une concentration par évaporation de l’eau.

Il ne faut donc pas être étonnés si on se trouve face à de vin santo très clairs et seulement légèrement moelleux (jusqu’à 50g/l ils sont considérés comme secs) et d’autres exemplaires à la robe ambré-brun avec des notes de caramélisation, de fruit confit, de thé noir, feuille de tabac, etc.

La concentration en alcool peut varier de 15 à 21% et, en sucre, de quelques dizaine de grammes à plus de 200.

 

La zone d’ombre

Avec ce bref article je tenais à vous donner un aperçu de la diversité de styles que l’on peut rencontrer afin de vous pousser à la découverte de cette zone d’ombre, bien spacieuse d’ailleurs, qui nourrit le mythe du vin santo.

Un vin aussi noble que paysan, trouve ses rituels de fabrication dans la tradition et les coutumes familiales, qui ne sont heureusement pas codifiées. Même si la science a essayé d’y mettre son nez à travers l’analyse de la madre, des levures responsables de la fermentation alcoolique, etc. les phénomènes qui portent à un résultat spécifique n’ont pas encore été expliqués ou compris.

Rejoignez nous pour cette série de dégustations sur le vin santo qui nous amèneront à découvrir certaines de ses facettes.

Pour ce faire, j’essayerai à chaque fois d’inviter un confrère (et ami) qui nous aidera à révéler un différent aspect du produit.

 

Première date à Genève le 18 avril avec Francesco Gasbarro

Programme

 

Deuxième date en Lavaux le 16 mai avec Dominique Fornage

Programme

 

Le reste à venir 🙂

 

Et avant de vous laisser…quelques mots en bon vieux toscan…

“…et però credo che molta felicità sia agli homini che nascono dove si trovano i vini buoni…”

Leonardo Da Vinci (artista e scienziato 1452 – 1519)

 

 

 

Liens utiles : Consorzio del Chianti Classico