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Virée dans le Beaujolais !

Bojo…non Nouveau

Après une visite, toujours trop courte, dans le jeune et bouillonnant vignoble de Beaujeu, j’en reviens revigoré par l’éclat de ses Gamay!

Le focus de cette sortie était, à vrai dire, bizarre…la préparation d’une soirée autour du « Beaujolais Non Nouveau » lors de laquelle sera présentée une série de vins entre 5 et 50 ans d’âge. Ceux ci montreront comment le potentiel de garde de ces crus n’est pas à sous estimer et qu’il y a une continuité, appelée terroir (?), entre le deuxième après guerre et la transition que la région vit actuellement.

Bref, on a siroté quelques flacons surprenants après 10, 20, 30 ou plus annnées de vieillissement. Une opportunité assez unique de découvrir des crus qui ont eu le temps de se dépouiller du fruit pour révéler leur message de lieu..et pourtant pour les vignerons il est impensable de valoriser le stock, même exigu, de millésimes plus âgés car à leurs yeux le marché n’est pas prêt à payer plus pour un millésime plus mûr issu de l’appellation…est ce encore vrai aujourd’hui ?

Millésimes actuels pour des tendances actuelles 

En fin de journée, le libre espace était donné aux 2019, qui goûtent à merveille et les 2020 bien plus solaires, portraits d’un millésime précoce à l’état sanitaire parfait.

Ce sont ces vins de dialogue qui ont fluidifié les échanges avec les vignerons visités…

J’ai pu entrevoir une région jeune, dynamique, ou les vignerons icônes servent de locomotive à une appellation qui suscite énormément d’intérêt sur le marché parisien et d’export.

Accessibilité au produit dès la jeunesse (flux tendu dans la gestion des stocks), versatilité de consommation, et digestibilité si « naturelle »…sont parmi les raisons de succès de ces vins !

C’etait en fait en plein cœur du Beaujolais que Jules Chauvet vers la moitié du siècle dernier a étudié la méthode de macération carbonique dans l’optique de limiter ou éliminer l’addition de SO2…la macération carbonique/semi-carbonique est encore par définition le classique en Beaujolais, et de plus en plus une source d’inspiration/retour aux origines pour d’autres vignobles. 

Apres chaque crise un vent de renouveau

La phase de Restructuration eu lieu après la dite crise de la sur-chaptalisation (années sous investigation 2004-2007) et la suivante mauvaise notoriété associée principalement au Beaujolais Nouveau (>60% des volumes de l’époque).

Le changement progressif, déclenché autour de 2009 fut de nature socio économique, avec une production qui n’était plus absorbée par le négoce et donc une nécessité des vignerons à encaver leur récolte…ou vendre leurs vignes.

Ce terroir d’environs 18’700 ha est devenu une terre d’opportunités et d’investissements, pour les vignerons déjà installés, depuis la Bourgogne voisine ou d’ailleurs.

Ce renouvellement de valeur a engendré une baisse significative de la production de B. Nouveau et la diversification de la gamme, qui valorise désormais les cuvées de vieilles vignes, les vinifications parcellaires, et la production de rosé et de blanc. 

Le rosé, trend encore croissant en 2021, trouve une réponse dans des cuvées de soif, si bien interprétées par certaines jeunes vignes de gamay…

Les blancs de Chardonnay sont principalement issus des « terres dorées » (argilo calcaire) du bas de coteau ou vers le sud de l’appellation.

Face à la demande croissante de blancs de la voisine Bourgogne, ceux-ci peuvent-ils être une alternative intéressante aux appellations régionales ?

Sûrement nous vivons une raréfaction des premiers, due en toute apparence à des problématiques récurantes comme le gel de printemps, la grêle ou la croissante mortalité des ceps par des maladies du bois (bois noir, esca, etc.) qui déciment à eux seuls jusqu’à 5% de pieds par an sur certains secteurs.

Les défis de l’avenir 

C’est dans ce cadre que l’AOC pousse les viticulteurs vers une agriculture du moins biologique avec comme support les études conduites par IFV (Institut de la Vigne et du Vin – Villefranche) & SICAREX (étude matériel végétal).

Les pistes proposées pour la conversion du vignoble sont multiples mais le degré de la pente du coteau apparaît être le facteur limitant ! Considéré comme de la viticulture extrême, près de 850 ha (4.5% des plantations) sont situés dans des pentes supérieures à 30 % .

Il est désormais permis une diminution de la densité de pieds (élargissement des rangs) pour favoriser la mécanisation des traitements, mais dans les fortes pentes, souvent associées à des sols sableux et acides peu profonds, la pioche et l’huile de coude restent les seuls replis.

L’alternative, déjà en phase test depuis 2011, est la diversification du bassin ampélographique, notamment avec l’introduction de cépages résistants, demandant moins d’entretien, destinés aux parcelles moins accessibles.

Toutefois cette diversification touche à l’entier de l’appellation par la mise au point de clones de Gamay plus adaptés au changement climatique et la plantation de cépages plus sudistes (syrah, Marselan, etc.)

Face à ces perspectives d’évolution, chemins proposés pour garantir la viabilité du vignoble, quelle typologie de vins seront produits en Beaujolais dans les décennies à venir? 

Les consommateurs seront-ils prêts à absorber l’augmentation constante des coûts de production pour maintenir, au moins pour les produits plus haut de gamme, la typicité d’autrefois? 

Aucun catastrophisme dans mes mots… plutôt une invitation à visiter la région et à vous laisser emporter par la jovialité de ses vignerons…un souvenir qui resurgira à chaque verre de Bojo !

Au plaisir de vous retrouver, 

Michele 

 

 

Liens d’approfondissement

Entretiens du Beaujolais