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MARCHE ET LA TERRE DU VERDICCHIO

Contexte:

La région des Marche, une terre encore très authentique en plein cœur de la côte Adriatique.

Située à l’écart de l’axe classique du développement commercial italien (Milan – Turin – Florence – Rome – Naples) cette région a maintenu un environnement rural encore bien préservé, un secteur manufacturier intègre et un secondaire d’entreprises moyennes et stables (Indesit, Todd´s, Guzzini,etc.)

Le tourisme lié aux centres balnéaires demeure une ressource très importante.

 

Du Verdicchio et du voyage

Notre aventure démarre au cœur de Senigallia, ville portuaire, fort de protection pendant l’époque byzantine, lieu de commerce et de vie populaire tel le Foro Annonario, l’un de plus beaux du centre de l’Italie.

Pour moi? Une Osteria qui accepte avec un grand sourire un pèlerin affamé, bien au-delà des horaires d’ouverture de la cuisine.

Une friture de mollusques et un verre de Verdicchio… Bienvenue!

Difficile d’imaginer un meilleur départ pour un voyage de quatre jours à la découverte de cette terre et de l’un des cépages sans doute parmi les plus intéressants du panorama italien (Turbiana ou Trebbiano dans la région de Soave).

Le Verdicchio domine la scène sur deux appellations principales, le région des Castelli di Jesi (Voire carte) qui compte pour à peu près 3000ha de vignoble éparpillés sur les différentes communes, et la petite région adjacente, 8 communes qui se réunissent sous le nom du village de Matelica.

Jesi

L´appellation des Castelli di Jesi se situe à environ 25-30 km de la mer Adriatique, dans la vallée de la rivière Esino. Il règne un climat principalement méditerranéen vers la côte, semi-continental vers les Apennins, avec des pluies (700-800 mm) principalement concentrées en hiver et au printemps, et avec des étés chauds et secs. Elle couvre une très grande diversité topographique entre la rive droite et la gauche de l’Esino, et s’étage des altitudes d’une petite centaine de mètres sur le niveau de la mer, jusqu’aux plus hautes plantations à environ 700m.

Certaines vignes se trouvent en plaine ou sur des plateaux, d’autres en plein coteau. La nature des sols peut varier des argilo-calcaires très compacts et lourds jusqu’aux grès-calcaire, très pauvres et filtrants.

 

Matelica

La petite région de Matelica (300ha) se montre plus compacte et homogène, une vallée à profil climatique continental, une altitude moyenne plus élevée (450m), des amplitudes thermiques plus prononcées, une pluviométrie assez régulière mais plus basse que les 700-800mm de Jesi à cause des deux « cordilleras » de montagnes (Pre-Apennins) qui referment la vallée et la protègent des vents en provenance de la mer, ainsi que des perturbations et de l’humidité. Dans cette petite enclave la qualité moyenne est plus constante, donnant des expressions au Verdicchio encore plus tranchantes et verticales.

 

Le cépage

Le Verdicchio (presque 5000ha dans le pays), est un cépage assez capricieux, conduisant à des rendements irréguliers, nécessitant une expansion végétale importante en raison de sa vigueur élevée. Il est principalement planté dans des collines bien exposées en raison de sa maturité tardive (relativement indépendante de la charge) et de sa faible résistance aux champignons et à la pourriture.

 

Vinification et élevage

Traditionnellement vinifié en blanc, des petites macérations sur les peaux sont parfois conduites, mais rarement au-delà des 24-48 heures.

Les moûts sont presque toujours inoculés avec des levures neutres capables de garantir une conversion sucre-alcool optimale (le sucre résiduel n’est pas bon signe). L’élevage plus ou moins long sur lies fines, peut aller de quelques mois pour les « vins de l’année » à une décennie pour les fous que l’on aime tant!

Le bois sera limité à des gros volumes (50hl +) pour les traditionalistes. Les vasques en béton émaillées sont les contenants classiques, y compris pour les longs élevages. Quelques « pièces » bourguignonnes se retrouvent ici et là, mais cela reste relativement anecdotique.

 

Quoi s’attendre d’un grand Verdicchio?

Dans sa jeunesse une expression qui laisse un petit peu de place au côté agrumes à peau jaune, voire aussi à la mandarine, notes iodées et marines.

Bouche à l’attaque franche et volumineuse. Le glycérol domine le milieu de bouche, sans sensation de chaleur accentuée.

L’acidité prend la relève à partir de là et amène à une finale fraîche, longue et saline (également à FML complétée).

Avec le temps en bouteille le spectre aromatique s’oriente vers le curcuma, la bergamote, la mousse et l’encens, le pain toasté, le malt de céréales…une panoplie sans fin qui ne cesse d’époustoufler au fil des décennies!

Des vins comme ça, avec une moyenne d´alcool de 13.5-14.5% à maturité, une acidité de 6-7g et un pH de 3 peuvent effectivement défier le temps et, pour les amateurs des bulles, avec des récoltes légèrement anticipées, aussi donner des très belles bases pour des méthodes classiques!

 

Comme toujours ces quelques lignes n’ont pas l’ambition de couvrir exhaustivement un territoire si vaste, comme les traditions d’un peuple ou d’une région qui s’est construite au fil des siècles, entre fuites et conquêtes, mais simplement de stimuler la curiosité et vous inviter au voyage!

 

Avant de faire retour en terre helvétique, une dernière étape gustative, très familiale et intime à laquelle j’ai eu le privilège d’assister, s’est déroulée autour d’un splendide cochon élevé au sein de la ferme et les mains expertes et encore fortes comme l’acier d’un vieux monsieur, un « norcino » (bouchers spécialisés dans la charcuterie, selon la tradition de Norcia, Umbria).

Dans ses mots, il s’excusait presque, disant que tout chez lui est « brut », je pensais qu’il était peut-être simplement très « vrai ».

 

Michele Caimotto

 

Mots clés: Verdicchio, Marche, Dégustations, Lavaux, Vaud, Suisse, voyage, repérage